Métier oblige, les événements comme ceux de Dawson me troublent. Preuve en est le nombre de jours que ça m'a pris avant que je puisse écrire sur le sujet...
Mes yeux d'enseignant ne sont pas les mêmes que ceux du citoyen. Je ne les crois pas meilleurs (après tout, j'ai besoin de verres de contact!), mais je les sens plus sensibles à la jeunesse.
Mercredi, alors que la population tremblait et pleurait les victimes innocentes, pendant que certains réclamaient un plus grand contrôle du registre des armes à feu, pendant que nombre de gens se rappelaient Columbine et Polytechnique, moi, isolé, je pleurais en plus les tueurs potentiels que je suis peut-être indirectement en train de fomenter dans mes groupes. Le petit à lunette qui n'a pas d'amis, la boulotte qui a oublié son devoir, la grande gueule qui fait soupirer tout le groupe à la moindre intervention, celui au fond du groupe, de noir vêtu, dont les yeux crient à l'aide mais qui se cache dans un mutisme troublant...
Jeudi, je les regardais avec l'oeil troublé de celui qui souhaite ne jamais voir leur nom au bulletin de nouvelles du soir, une arme à la main, se voyant dresser un portrait psychologique alarmant, rejetant le blâme sur l'école et sur la société.
Jeudi, j'aurais voulu tous les prendre dans mes bras et leur dire que je les aimais, alors que je les connais à peine, juste pour qu'ils puissent au moins savoir que tout n'est pas sombre, que tout n'est pas terne, qu'il y a toujours quelqu'un, quelque part, pour leur ouvrir les bras et leur éviter ce qu'ils croient inévitables, pour qu'il sache que l'arme qu'ils pourraient pointer vers un groupe de jeunes, ou vers eux-mêmes, est inutile.
Jeudi, j'aurais voulu être un surhomme.